Rroms
en érrance


 

 
 

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Il s’excuse d’avoir été tué par les balles de police, le Gitan. La  famille demande pardon d’avoir hurlé sa peine dans la rue. D’avoir demandé justice. Et désolée pour les voitures brûlées. On a juste tué un enfant. Il est vrai qu’une caisse vaut bien la vie d’un homme. Enfin cela dépend de qui la balle embrasse. Selon les gens les réponses sont enquête, xénophobie, chasse aux pauvres.

Rejeté depuis des siècles, le peuple Rrom ne cherche pas sa terre. Il est la terre. Et comme elle, il veut juste vivre libre. Sa force est qu’il a compris que les hommes ne sont pas faits pour vivre les uns sous les autres. Mais tous ensemble pour un même but : se sentir vivant et aider la famille.
Mais maintenant… le seul fait de se poser quelque part leur est refusé. Bêtise, peur et habitude sont les barrières les plus solides que la vie leur a opposées. Boucs émissaires de toutes les crises…
On ne les connaît pas le s Rroms : le Gitan, Manouche, Tzigane… l’étranger. Faut-il donc rester à distance de ces gens qui tendent la main pour vivre. Créer des légendes autour de leur communauté. Réseaux d’enfants, prostitution, grand banditisme et tant d’autres histoires coulent de leurs yeux. Comme quoi, une bonne rumeur peut devenir réalité dans la tête des autres qui les montrent du doigt.

Matez derrière les jalousies du petit écran, regardez notre cher gouvernement utiliser une bavure policière, une réputation fabriquée à grand coup d’images de ces campements où hommes, femmes, enfants vivent au delà des pires conditions que l’on puisse imaginer. Ils ont été jusqu'à envoyer des inspecteurs des  impôts pour vérifier que chaque voiture,  caravane, poêle à frire viennent bien de la mendicité et  de la débrouillardise. En aucun cas de rapines ou de  vol. Il est pourtant si simple de vivre avec rien, alors que d’autres ont tout. L’ironie doit être enseignée dans les grandes écoles - moi j’y ai jamais foutu les pieds. J’ai honte de voir qu’elle devient progressivement notre marque de fabrique. Voila le contrefeu parfait pour faire oublier les vrais voleurs qui se roulent dans nos impôts, se passent des valises entre mafieux politiques…  Et  se couvrent de procès  en manteau de peaux de Rroms, de Gitans, de Manouches, simplement de nous.

Car nous sommes tous les étrangers des autres. Pourtant, rien ne nous empêche d’être  frères. Voilà pourquoi je recommence ce reportage sur les Rroms, après Saint-Denis et Saint-Ouen, à Montreuil cette fois. C'est fou ce que les frontières peuvent être petites pour certains Européens. Une trentaine de personnes ont commencé une vie de ballottage entre différents lieux.  En espérant que la ville de Montreuil trouve une solution.

Alors que j’écoutais les infos sur mon portable, j’entends qu’un gitan s’est fait tuer par la police alors qu’il franchissait un barrage et bang, bang, bang. « La police a tué un gitan après un refus de stopper à un barrage routier. » Et merde, je me dis en moi-même. Ce que ça peut être con; il est mort comme ça; juste un bout de fer dans le cœur. Une route qui va trop vite, un conducteur qui voit des ombres, une connerie faite la veille ou... rien... Bang! tout est noir dans l’erreur.

La une du lendemain, « La communauté gitane de Saint-Aignan, à fait une descente dans la ville et a brûlé des voitures, brisé des vitrines » « la place des gens qui sont responsables de ces actes n’est pas dans la rue, mais en prison » ainsi parle Hortefeux. Mais que devient le passager mort, pourquoi personne ne pleure pour la famille? Où est la vérité, alors que le conducteur se rend à la police le lendemain pour raconter sa version. Quelle importance? Et d’ailleurs qui s’en souvient?

Les papiers passent, les écrits hurlent « la haine est déclarée ». Voila l’idée que l’on pouvait entendre dans le silence du mois d’Août .La délinquance a un masque, celui des voyageurs et les ordres sont simples : «Les français on les bloque, les gitans français on les contrôle et les rroms on les vire. «Allez hop,en avion, les Européens pas vraiment du coin, on ne veut plus voir vos mains tendues et baladeuses. Elles arpentent depuis trop longtemps nos habitudes et nos trottoirs..». Le plus simple pour nous c’est que vous partiez. On vous donne du blé et vous décarez d’ici. Retournez voir la misère chez vous. Pour nous ça reste une rumeur.

Il y a ceux qui restent, délogés d’un camp de Montreuil, ils partent se réfugier dans une maison abandonnée, enfin presque, le propriétaire des pierres porte plainte et on repart direction le gymnase.

C’est là que je me pointe avec mes idées, mes galères, mes soifs de voir et de comprendre qui sont ces gens que l’on n’aime pas. Pourquoi, sont-ils si différents de nous ? Peut être que sans nos artifices, on serait avec eux. Nos portables, nos écrans plats, nos tissus qui valent le prix d’une journée de travail, restent pour moi les barreaux de la connaissance. Et la peur du partage est bien souvent que l’autre ne veut que prendre. Cela nous pousse à l’indifférence de l’autre et nous condamne à l'ignorance.

Ils avaient besoin d’un photographe pour prendre l’instant de la remise du courrier de leurs doléances à la Mairesse, madame Voisnet... promesse d'espoir en des jours meilleurs.

La vie continue… avec les voisins, bonjour l’intimité. En guise de chaleur une certaine humanité. Je regardais leur sourire se dessiner  dans mes lentilles d’objectif ; mon portable tournait de main en main à la recherche de nouvelles du pays. Murmure des gens… Dans un coin, on entoure la douleur d’une femme dont le père vient d’être opéré du cœur…  et rien ne s’est passé comme prévu. L’heure est grave dans ce lieu de sueur; ce soir l’on y pleure entre amis; on y sourit pour tromper la merde.

Tatouages, muscles, familles, amitiés ; toute ces choses courent sous mes yeux, on m’appelle « hé, viens prendre la famille, ma fille, mon fils, tiens prend le bébé, tu me ramènes les photos ». Un môme se pointe « non, toute seule ! », veut dire le geste de la mère. . « Hé ! après,  c’est moi, tu m’en dois deux ou trois » ; « non deux, je te donne les meilleures » ;
« bon, ok, d’accord » ; « mais tu m’en amène trois » ; « on verra » je lui réponds avec dans un coin de ma tête « toi, t’a oublié d’être con ». Finalement, je lui en ai ramené trois.
Je suis retourné le dimanche d’après. Les « une » des journaux  n’avaient pas changé; chaque jour les camps sont vidés et les familles renvoyées au pays.
Remarque! ça change : d’habitude on les balance dans des RER... direction la fin de ligne; les frontières ont raccourci pour certains Européens: maintenant ce sont des stations.
Ils ont changé de lieu. Maintenant ils sont hébergés par l’association "la Maison Ouverte". C’est là où je les retrouve toujours avec leur sourire en or, un grand cri des enfants, des hommes; « t’as les photos ? Donne ». Je me fais un peu engueuler; je n’en ai pas ramené assez pour telle personne, pas pris le bébé de madame… Mais juste après on me demande de manger un morceau, de rire. Je me sens avec eux.

 Je comprends leur attitude  face à ce mur de préjugés qui devient invisible tant  il nous aveugle… Question de survie. Il est là, ce mur, quand sans mauvaise pensée, nous jugeons cette femme qui tend la main, son bébé dans les bras.
 « C’est quand même malheureux »… à quoi songer d’autre ? Croire que l’on ne ferait pas pareil, si, toute notre vie,  les gens avaient eu le droit de nous juger sans nous connaître ?

Sur un coin de lit, une femme s’inquiète de son mari et de ses enfants qui ne sont pas revenus de la fériale. Sa voix tremble quand elle pense qu’ils ont peut être été arrêtés par la police.
« Comment le savoir?  Mes deux enfants, je ne veux pas qu’ils repartent au pays. »
Je lui promets que je vais appeler Saïmir Mile qui s’occupe de la voix des Rroms. Ils sont bel et bien en garde à vue; mais pour quelle raison ? Le fait de marcher dans la rue... interdit?

Le lundi, leur association de lutte les a regroupés pour parler de la proposition de la ville. On leur proposait de bouger tous les 15 jours... de lieu associatif en lieu associatif. En gros, les garder comme nomades du bitume.
Ils sont actuellement* à "la Voie errante", où les trente familles vivent encore les unes sur les autres avec comme seule lumière les néons du plafond. Je les vois souvent partir avec toute leur fierté dans les yeux. Ils partent se débrouiller pour survivre. Leurs poussettes remplies à ras bord de fringues, dvd, livres et toutes choses qui peuvent se vendre.
Je me dis parfois en les regardant partir que peut-être, la seule chose dont notre gouvernement a peur, c'est la faculté qu’ils ont à être libres et sans frontières.


Comme ils disent, les rroms « Mon pays est là où je pose le pied ».

* Cet article se réfère à septembre 2010

 Franck  Vibert




 

 



 
 
 
 



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